De moi à vous

Chambre d’hôtel

Il est des chambres d’hôtels qui laissent des traces dans la mémoire. Ces lieux de passage sont des lieux de mémoire.
Un hôtel à Arles : Nord Pinus Tanger, place des Hommes. http://nord-pinus.com/fr/
Elle a trente, quarante, cinquante ans, peu importe. Le lit est défait, la fenêtre en arrondi, les journaux trainent sur le sol. Il pleut, une petite pluie de rosée qui se devine plus qu’elle ne se ressent.
Les murs sont d’un vert bleuté. Partout des photos de l’Afrique et des phrases en anglais, même pas des textes, des phrases… à propos des photos, qui disent l’Afrique, l’amour de l’Afrique noire, des photos sans âge, sépia.
Elle est venue là pour écrire ou dormir. S’isoler.

Il y a l’odeur aussi. Celle des vieux meubles, des couvre-lits, des fleurs dans les vases. Celle de la cire sur le bois des meubles.
Le silence. Le délicat silence. Arles, place des Hommes.

J’aime les chambres d’hôtels, de ces vieux hôtels qui ont une histoire, des histoires. J’aime ces lits où se sont retrouvés ou déchirés des amants d’un soir, d’une nuit. Ces salles de bain où se sont regardés tant de visages avec des interrogations, de la tendresse, du dégoût parfois.

J’aime la porte de la chambre qui s’ouvre et on ne sait pas encore ce qu’il y a derrière et d’un regard, une fois entré on s’approprie le lieu, on jette son manteau sur un fauteuil, on accroche ses vêtements dans la penderie, on tâte l’oreiller dont la moelleuse texture augure de la nuit à venir. La clé est là sur la commode, une lourde clé, pas celle magnétique des hôtels modernes.

Les murs sont d’un vert bleuté. Combien de regards se sont posés sur ces murs ? Sont restés là fixes dans le remue-ménage de souvenirs qui remontent, des images ? Ont erré et fait surgir un sourire ? Combien de futurs se sont décidés là entre ces murs dans l’odeur et la chaleur d’une nuit de printemps?

https://www.charmingtuscany.com/fr/tenuta-la-bandita

Dominique Mallié

6 commentaires

  • sophie cour

    Les chambres d’hôtels … comme vous j’adore ces lieux, un peu désuets, un peu hors du temps qui nous accueillent comme d’autres avant et d’autres qui viendront le temps d’une ou plusieurs nuits. Rien n’est à soi là, pas de repères, on ne connait ni la couleur du jour qui va poindre, ni par où il va arriver, on éprouve la dureté ou le confort d’un matelas, on s’enroule dans des draps qui sentent le propre. Combien de têtes se sont posées sur ses oreillers, de cheveux emmêlés, combien de corps se sont rejoints dans ces lits profonds ? Je pense à Baudelaire parce que comme vous, je suis littéraire de formation. Merci pour ce beau texte et les photos de cet hôtel d’Arles. Merci pour la douceur et la caresse des mots alliées aux photos

  • Brisson

    Merci ma Belle de nous raconter ce qui se passe derrière ces portes, objet de tous les phantasmes. J’imagine des vies en passant devant chaque porte, croissant les clients…
    Comme toi, dans la mesure du possible, je ne cherche que des hotels dits de charme en evitant les chaînes…mise à part le haut du panier !.

    • Dominique

      Les vieux hôtels comme les vieilles maisons, comme tous les vieux bâtiments, comme tout ce qui date peut être, peut être peut-on généraliser, ont une âme. Je pourrais vivre, si j’en avais les moyens dans des hôtels, aller de l’un à l’autre, y séjourner un peu quand même, bref, j’aime l’idée de  » passage « .

  • Sapiens

    Voilà une bien belle vision romantique qui donne envie de visiter tous ces hôtels à histoires. Malheureusement pour moi, je lis ces lignes dans un Novotel au centre de Bruxelles, avec à l’extérieur une pluie trés fine qui m’empêche d’aller faire un tour sur la Grand-Place. Le romantisme sera pour plus tard.

    Sans être romantique, voici une émouvante expérience vécue il y a 2 ou 3 ans: lors de vacances en Irlande, nous nous sommes retrouvés dans un hôtel de charme, le Cashel House Hotel dans le Connemara. La patronne très âgée, voyant qu’elle avait affaire à des Français, nous dit avec fierté: your room is the General’s one.
    En effet, en 1969, après s’être retiré de la vie politique, LE Général et Yvonne sont venus en retraite en Irlande et ont séjourné dans 2 ou 3 hôtels, dont celui-là. Il faut avouer que le fantôme du couple était bien présent et le souvenir emprunt d’une certaine solennité quand je passais du lavabo au lit, du lit aux toilettes, des toilettes au fauteuil, et du fauteuil à la baignoire. Pendant quelques jours, je me suis pris pour un autre. Heureusement, je m’en suis remis depuis.

    L’histoire dit qu’ils occupaient 2 chambres, une pour dormir, l’autre pour travailler. L’histoire ne dit pas qu’ils faisaient peut-être chambre à part. Des tas de photos dans le hall « old style » rappelaient cet évènement. Qu’arrivera-t-il quand cette vieille patronne âgée, témoin avéré et visiblement admirative du vieil homme, se retirera et que cet évènement perdra son sens?

    • Dominique

      Quelle histoire tout de même ! j’imagine que on doit ressentir quelque chose d’étrange. Oui, ces lieux sont aussi des témoins de l’histoire et ceux qui les entretiennent, surtout pour les hôtels privés,si rares aujourd’hui, des garants de leur histoire. J’aime cette idée.
      Bruxelles est une belle ville même si mon écrit vous a fait regretter un instant le Sud, j’y projette une petite visite cet été… et la pluie fait partie du paysage souvent

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