Dans un souffle …
Un large sourire, des baisers qui s’envolent et qu’on lance du bout des doigts, des yeux qui se plissent là tout au dessus des masques, des mots qu’on saisit çà et là, des livres qu’on lit et qui nous font rire, de la mode, de la légèreté, des soucis qu’on balaie d’un haussement d’épaules, des projets qui tiendront ou non, le refus d’écouter les infos stressantes, un intérieur qui pourrait être dans Maison et déco, des séries sur Netflix comme le Jeu de la Dame qui nous régalent, un nouveau look, une nouvelle coupe de cheveux, le visage au soleil, un amour serré dans ses bras, des nouvelles des enfants qui vont bien, se dire que les enfants n’en sont plus vraiment, des enfants, mais toujours pour moi, ressentir une passion soudaine pour les plantes, pour un rouge gorge qui prend ses habitudes sur la terrasse, somatiser, observer un chat qui passe et se roule au sol faute d’avoir le courage de se laisser caresser, jouer avec les mots, lire des bêtises sur les réseaux sociaux,avoir des questions qui restent sans réponses et des réponses dont on ne connait pas la question, envoyer des messages à ses amis, cuisiner des petits plats, se faire les ongles, les refaire, s’allonger et rêvasser, reprendre le chemin du boulot, faire des photos, faire des selfies, écouter de la musique, privilégier les verres bien plein, ne pas s’écouter de trop, se réjouir du soleil qui se lève et de la brume en dessous, rouler en ouvrant les fenêtres pour sentir l’air même froid, écouter des émissions sur l’art, la littérature, préparer des cours nickel chrome, anticiper les fêtes de fin d’année, s’indigner, se révolter, crier et puis rire, envoyer des petits coeurs et des smileys qui rigolent, lire les livres pour enfants de Christian Oster comme Les trop petits cochons, s’étonner des trouvailles, chiner sur internet, attendre des colis, repeindre des murs, jouer au scrabble avec son amoureux, se balader nue dans l’appartement, danser toute seule ou à deux, s’arrêter quelques minutes ou davantage au bord d’un fleuve pour regarder filer l’eau, faire un peu de gym, un peu de yoga, de méditation, faire fi de ses douleurs de part et d’autre, bousculer les autres, inventer des chansons, suivre le travail d’un artiste toute sa vie durant et voir comment il a évolué, découvrir une nouvelle philosophe aussi jolie qu’intéressante, se passionner pour elle, se dire que décidément je ne peux rien vivre sans passion, se friser les cheveux, boire plusieurs cafés et dévorer une tablette de chocolat en une journée, s’inquiéter d’un mal de gorge, prendre une autre route pour aller au lycée, m’étonner des réflexions de ma mère si jeune dans la voix, s’acheter des gâteaux le dimanche, refuser de prêter mon stylo au bureau de poste à une vieille dame et dans la foulée trouver cela horrible, piquer un fou rire avec mes élèves, consoler un chagrin, se régaler de parler de La Princesse de Clèves, réaliser d’un coup comment le roman a évolué car il a évolué, s’endormir en écoutant des podcast, pleurer un bon coup et se dire que alors c’est ça la boule au ventre, se tromper de voiture sur un parking, prendre des habitudes nouvelles, téléphoner longtemps, entendre de nouveau un ami un peu perdu de vue, se sentir rougir sous le masque, chercher des masques plus sympas, m’étonner de l’assurance prise par les uns et les autres des adolescents qui m’entourent, mettre la clé dans la serrure de mon nouveau chez moi, sentir de nouvelles odeurs, s’énerver sur les réseaux sociaux pour des riens, recevoir de jolis textos, savoir que finalement on s’habitue à tout, s’étonner de voir mes amis si forts dans la difficulté, se laisser envahir par l’air, le Mistral, sentir qu’on a froid aux pieds mais pas aux yeux, se dire qu’il va falloir bientôt mettre des gants à nouveau, s’étonner d’un visage soudain découvert sans son masque, se dire que c’est un peu comme se mettre nu, que c’est le nouveau geste sexy, voir mon dernier fils qui a pris son envol si bien installé dans sa vie de jeune homme, entendre mes enfants, ma petite fille… et puis voilà… la vie toujours différente…et identique dans le même temps.