De l’importance de la psychogéographie
Je reviens à cette histoire de ne parler que de fringues, mode etc. Voilà ça n’est pas possible et quand bien même je le voudrais véritablement, je n’y arrive pas. Toujours quelque chose me ramène à une réflexion sur autre chose et quand ce n’est pas cette chose là, ça en est une autre. Et je pense et voilà j’écris, en plus d’être ou à défaut, parfois je ne sais plus trop.
Bref
Donc là je lisais un commentaire ou plus exactement une recension d’Alexandre Lacroix à propos du dernier roman de Modiano que j’ai lu : « La danseuse ».
On sait mon admiration pour Alexandre Lacroix que j’ai eu le plaisir de rencontrer ici à Avignon à propos de son ouvrage « Apprendre à faire l’amour », on sait moins mon admiration pour Modiano car de fait elle n’existe pas. J’aime bien Modiano, j’ai été heureuse de son prix Nobel mais je pense comme certains critiques qu’il écrit toujours un peu le même livre, il m’intéresse mais je ne l’admire pas.
Bref.
En revanche j’admire Christian Oster qui lui aussi écrit toujours un peu le même livre (comme quoi l’admiration est floue quant à ses causes) J’aime son personnage toujours dans une errance et cette errance m’amène aujourd’hui à évoquer les lieux chez ces deux auteurs, écrivains, hommes.
Les lieux dans les romans. On en sait l’importance chez les réalistes ou naturalistes au XIXème mais qui s’est finalement penché sur les lieux aujourd’hui et leur importance dans le roman ?
Modiano, comme le souligne Alexandre Lacroix semble choisir sur des cartes de Paris et sa banlieue les lieux de l’action de ses romans pour leur sonorité et leur puissance évocatrice intrinsèque. Le résultat en est que ces lieux deviennent des sujets, ont une âme, tandis que la psychologie des personnages erre à travers cette géographie.
Ainsi chaque fois qu’un nom de lieu surgit dans « La Danseuse », même si le décor n’est pas décrit, il acquiert aussitôt le statut de personnage
« Je sortais de l’immeuble où se trouvait ma chambre, rue Chauveau-Lagarde » , « Elle m’avait dit que c’était un ami d’enfance au temps où elle habitait Saint-Leu-la-Forêt »…
Et soudain, j’ai pensé à C.Oster dont je pourrais réciter les passages de certains de ses livres tant je les ai lus et relus et ces remarques d’A.Lacroix m’ont semblé pouvoir s’appliquer exactement, coller pour ainsi dire à la manière dont Oster conduit ses personnages, également dans l’errance, au travers de lieux qui deviennent également des personnages.
Il y a de plus chez Oster la même recherche, dans le nom propre, d’une forme de complexité : « J’y allais donc mollement à Saint-Girons-Plage . Et s’il est vrai que pour peu que je fusse entré dans Bordeaux, je ne me serais pas rendu à Saint-Girons-Plage » « A Blaye c’est à cinq kilomètres d’ici ou alors à Bonneval qui est à dix… » Saint-Girons-Plage » qui par la suite dans le roman, une fois qu’on s’est habitués en quelque sorte devient simplement « Saint-Girons », un peu comme on donne un diminutif à ceux qui nous sont familiers (Sous la dune)
Chez Oster ce ne sont pas seulement les noms propres qui deviennent des personnages mais aussi des lieux plus « terre à terre » : routes, parkings, cimetières, chemins … sur ou autour desquels erre son narrateur-personnage.
Finalement cette géographie tout à la fois hasardeuse car le fruit du hasard pour les personnages, mais précise pour l’écrivain est une manière de mettre en évidence les procédés de l’écriture. Un peu comme si le sujet était chez l’un et l’autre le travail de l’écriture et que se faisant dans ces choix géographiques c’était le travail même de l’écriture qui était mis en exergue. L’un et l’autre conscients de ce qui fait leur patte ou leur charme, en jouent ou plutôt dosent avec un art subtil leurs propres effets.
Cette esthétique si singulière et ce rapprochement que je fais ici et qui n’appartient qu’à moi, répond aux déambulations de personnages au statut social incertain et à la biographie lacunaire.