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Désirs Croisés : Una vita tranquilla (5)

Claire est seule dans la maison de Maubec.

Une maison qu’ils ont trouvée ensemble, qu’ils ont voulue pour eux, pour tout recommencer. Un coup de foudre d’un dimanche au hasard de leurs pérégrinations , un vieux mas qui prendrait du temps à retaper. Cela leur a paru bien, ce projet commun, les amis à venir communs aussi, les cris de leurs petits enfants, dehors, la piscine qu’ils peindraient en gris foncé pour que la limpidité de l’eau soit plus perceptible encore .

Claire a fait du feu, mis un gros pull. Demain elle ira au marché de L’Isle, elle achètera des fleurs qu’elle arrangera au salon, elle travaillera un peu.

Elle éteint l’ordinateur : sa chronique est envoyée. Les livres remplissent toute sa vie depuis qu’elle a trouvé ce travail dans une revue littéraire. Elle était fière au début de voir sa signature et puis elle s’est habituée, comme elle s’est habituée à l’isolement de la vie à la campagne jusqu’à y trouver du plaisir, presque. Elle s’installe devant le feu, allume une cigarette. Antoine rentre lundi, c’est ce qu’il a dit… Elle repense à sa rencontre avec cet homme qui a rempli toute sa vie… Elle pourrait écrire là dessus quelque chose qui commencerait par : « Je marche dans la rue, c’est l’été, je viens de m’installer dans cette ville qui m’est encore étrangère, je croise un homme qui me dit que je suis lumineuse ».

Elle pourrait, mais jeter son histoire sur le papier, ce serait une dépossession. Aura-t-il seulement lu le roman de Marc Dugain qu’elle a déposé dans son sac, Antoine qu’elle sent parfois si loin d’elle?

Le Mistral n’a pas cessé de souffler de la nuit. Claire pousse les volets qui reviennent obstinément à elle. Belle contrepartie de ce vent obstiné : le ciel est d’un bleu limpide mais le froid s’est engouffré partout dans la maison. Pieds nus sur les dalles en ciment, elle grelotte, cherche du regard le pull qu’elle a dû laisser la veille près de la cheminée, se prépare un café bien noir. Le chat la suit, fidèle, la précède dans la salle de bain, témoin indiscret de ce rituel du matin. En haut, dans la chambre, le téléphone sonne, c’est Antoine . Elle court, glisse sur le sol mouillé, grimpe les marches deux à deux.

La voix douce et grave.

Ils échangent sur le temps, le sommeil qui tardait à venir, l’heure du vernissage de cette nouvelle galerie d’Antoine, Villa Santo Dumont, dans le 11ème arrondissement. Rue minuscule et verdoyante qu’ils ont aimée d’emblée au point de décider d’ouvrir là la galerie d’Antoine en dépit du prix qui aurait pu être prohibitif. Ils se souhaitent une belle journée, et que vas-tu faire aujourd’hui ? Ils rient. Tout est simple, tout a le goût du bonheur. Cet été, ils iront en Toscane, à Pienza dans cet hôtel de leurs premières vacances ensemble.

Ils peuvent raccrocher.

Ils sont rassurés.

Claire s’allonge sur le lit, s’étire de bien être pendant qu’Antoine, dans une chambre d’hôtel parisienne, rejoint Anna qui dort encore. Se blottit contre elle. Apaisé.

4 commentaires

  • Philippe

    Ah que notre Sud est présent dans tes mots….le mistral…le sol de la maison…quel bonheur et quels souvenirs partagés par nombre d’entre-nous …
    Et cette chute nous laisse entrevoir un Antoine pas si seul ou en désir de changement….
    Suspens . Bravo à toi.!
    Bonne fin d’après-midi sous le son des cigales et la cagne qui revient.
    A demain
    Bises, Philippe

    • Dominique

       » La cagne  » , voilà un mot que j’ai découvert ici. Merci Philippe pour tes mots … Antoine, Anna, Claire ils ont tous un peu de nous …

  • david

    Très beau et très touchant … excellent pour commencer la journée dans la curiosité des autres … votre blog est un régal , merci Dominique, bonne journée à vous !

    • Dominique

      Merci, c’est toujours un grand plaisir que de lire sur mon blog les commentaires de mes lecteurs … bonne journée également David . Ce qui est bien pour nous qui nous levons tôt, c’est cette fraicheur de l’air. Même un petit vent léger ce matin !

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