De moi à vous

L’homme est-il toujours un animal sociable ?

Dans cette société du chacun pour soi où on s’autorise ouvertement le dénigrement de l’autre, je m’interroge, et c’est la prof de philo qui s’interroge, sur les interactions entre individus.


Non pas à titre personnel, encore que…, mais à titre général. La planète va mal on le sait, on le lit, le voit, le sent, l’entend, le vit mais pas seulement la planète. Ou alors voilà une  » jolie  » métonymie.
Quels genres de relations ont les gens entre eux à l’heure des réseaux sociaux, de l’hyper connectivité, de la géolocalisation, des covoiturages avec de parfaits inconnus, de Tinder, Snapchat, à l’heure où on  » dial  » plus qu’on ne discute ? A l’heure où les mots perdent leur sens, où on dit  » je t’aime  » avant même que de se connaitre, où on envoie des coeurs à la terre entière alors que le nôtre reste sec, à l’heure de la surinformation qui aboutit à la désinformation, du buzz, des fake news, des courriers qui n’apportent que des factures, des gens dont on ignore l’écriture manuscrite, des endroits où on est sans y être ( facebook, instagram), de l’étalement d’une vie privée alors même qu’on ne connait pas la personne, du partage des moments de vie sans même que la vie de l’autre nous soit connue, à l’heure où entendre la voix de quelqu’un arrive avant d’en connaitre l’apparence, à l’heure où on a le sentiment de vivre avec des gens qu’on ne connait pas dont on observe les yeux à peine ouverts le matin, les errances de la nuit ?

A l’heure où  » connaitre  » ne relève plus d’aucun apprentissage.
Car qu’est-ce que connaitre l’autre de nos jours ?

Et qu’est-ce qui fait sens aujourd’hui ?

Comment est-ce possible de balayer les existences d’un coup de souris, dans quelle toute puissance sommes nous entrés alors même que nous ne sommes qu’impuissants ? Comment ce mépris de l’identité de l’autre, comment ces jugements à tout va ont-ils pris peu à peu la place des relations humaines dans cette société d’apparences ?


Quels sens donner à nos existences ? Le repli sur soi ? Un cercle d’intimes bien protégé ? Une solitude affichée et affirmée plutôt que ces faux-semblants? Cultiver notre jardin sans que le possessif n’ait aucune valeur plurielle ? Se protéger des autres ?


Comment est-ce possible de se permettre tout et n’importe quoi, d’insulter sans connaitre, de se limiter à s’exprimer en un nombre de mots, de n’accorder à ces mêmes mots que l’importance de l’instant ? De privilégier le fugace à la durée ? De renoncer sans même avoir persévéré ?


Quelle place démesurée a pris l’argent dans cette société du paraitre ? Dans cette société où les gens crèvent sur les trottoirs pendant que d’autres s’enorgueillissent de leurs fortunes ? Dans cette société où on se fait insulter si on ne répond pas par un bonjour à ce qui est une agressivité même sous couvert de compliments ? Où les gamins s’interrogent sur le sens de  » l’insolence « , nient l’être, trouvent normal de répondre, de tenir tête, où dire ses failles c’est afficher des faiblesses, où on choisit un animal de compagnie pour pallier le manque d’affection, cette société dure et sans empathie même si on nous abreuve d’images désolantes de ceux qui n’ont rien.


Où sont la politesse, le respect de l’autre, de la différence, l’acceptation de cette différence, la bienveillance ( et si ce mot me fait horreur aujourd’hui c’est qu’il est tant galvaudé) ?


Où sont les valeurs ? Celles qui font de nous des êtres humains ?


Qu’est-ce que cette humanité qui perd son sens premier ? Qu’est-ce qui fait un homme, une femme aujourd’hui ?

12 commentaires

  • rencontres240

    Bonjour,

    Vous avez raison, l’homme est bien un animal insociable, et effectivement, l’argent a pris une grande place dans notre vie de tous les jours.

    Cela dépend des personnes, il y en a qui sont humbles, et d’autres qui sont remplies de narcissisme.

  • Marie Jeanne

    Merci Dominique pour cet article très actuel qui pose les bonnes questions, triste constat tellement réel de l’humanité désabusée, de l’humain devenu virtuel, du manque de « présence » dans la vrai vie car le virtuel a  » tué  » le relationnel. Tout le monde est greffé avec son portable, on ne se parle plus, on ne s’écrit plus à part pour envoyer un sms, on ne se regarde plus ….. et on ne s’aime plus …. et la solitude nous envahit ….

    • Dominique

      Oui, je ne pense que c’est juste et d’ailleurs, un geste simple à propos du portable pour être vraiment là où on est et avec qui on est , c’est de le couper dans cet espace temps là. Il y a aujourd’hui une sorte d’impératif à la disponibilité même si le portable, par exemple toujours, peur s’avérer bien utile, il n’empêche …Je pense depuis l’existence du portable n’avoir jamais autant reçu et envoyé de photos de fleurs pour les évènements de la vie, et c’est pourtant tellement agréable de recevoir des fleurs pour de vrai. On entend ainsi  » la vraie vie  » par opposition à la vie virtuelle, c’est assez curieux et dérangeant je trouve;..

  • Sapiens

    Désabusé, c’est le mot juste chère blogueuse.
    Pourtant je me souviens d’un autre article sur ce blog  » le bonheur commence à 50 ans ! C’est scientifique ! C’est magnifique !  » qui n’était pas sur même ton.
    Relisons Michel SERRES qui, en philosophe a démontré que « non, ce n’était pas mieux avant ».

    La vraie et seule question qui nous est posée est « quel sens a ma vie? Puis je modifier ce sens ? qu’est ce que je veux faire de ma vie »
    Y répondre peut être très difficile ou très facile selon chaque individu, mais j’y travaille.

    • Dominique

      Si je crois sincèrement que beaucoup de choses étaient mieux avant. Mais ce billet n’est en rien contradictoire avec celui que vous évoquez, au contraire, il en découle. Parce que le bonheur est plus perceptible, qu’on est plus dans la conscience de ces moments, il nous appartient de réguler nos rapports aux autres avec plus d’ouverture et un regard plus attentif pour saisir au mieux ces moments précieux qui sont davantage nôtres aujourd’hui…

  • sophie

    Tout va trop vite et cette immediateté rejoint la fugacité que vous évoquez, on a pas le temps de s’arrêter ou on ne le prend pas et les difficultés surgissant quelles qu’elles soient, aussi minimes, tout est remis en cause, je parle là de toutes sortes de relations. En effet voilà qui donne à penser …. merci Dominique pour ce billet bien tourné !

    • Dominique

      Il me semble que où qu’on se tourne on est dans une forme de consommation, de volonté que les choses aillent vite or, si on observe la nature ce qui croit lentement a plus de chance de durer. Je sais que la persévérance est incompatible avec cette suprématie du résultat rapide et pourtant… on ne peut vivre nos relations aux autres comme des biens de consommation

  • serge

    En effet Dominique, drôle d’époque où paradoxalement les moyens de communication sont ce qu’ils sont et les gens n’ont jamais été aussi seuls !

    • Dominique

      Oui, c’est ce que je constate autour de moi. Nous sommes dans une société égotiste, dieu merci, il y a des exceptions !

  • jean luc

    Merci Dominique pour cet article qui a le mérite de poser tout haut les questions que tout un chacun se pose, de mettre le doigt sur ce que nous vivons quotidiennement, de faire ressentir le mépris qui existe aujourd’hui dans beaucoup de relations humaines, le quant-à-soi. Merci pour votre capacité à mettre en mots les ressentis et les vêcus, la blogosphère, mot assez moche également, manque de personnes qui comme vous font état de leur sensibilité . C’est intelligent et clair ce constat désabusé à juste titre .

    • Dominique

      Merci, j’essaye de mettre en mots ce que je ressens et vis ou vois. Mais je lis des blogs ou des textes sur internet y compris sur les réseaux sociaux qui sont aussi intéressants si ce n’est plus que les miens. Chacun apporte de l’eau à une réflexion générale, à sa mesure et avec ce qu’il est…

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