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Nous n’attendrons pas l’automne (2)

Nous avons laissé dans le premier chapitre https://www.lesbilletsdemadame.com/nous-nattendrons-pas-lautomne/ nos personnages : Anna, Claire, Olivier et Pierre…. les revoilà sur leur itinéraire. Nous sommes désormais à leurs côtés, timidement encore. Nous en sommes à faire connaissance ….

Chapitre 2

4 août

Mais c’était quand ? Lorsque je l’ai vue sortir de la voiture ? Lorsqu’elle nous a montré notre chambre ou bien plus tôt ? A la gare, masquée, dans sa robe à fleurs, les jambes nues et bronzées, les pieds dans les sandales bleues ? Ou plus loin encore quand nous nous sommes tous installés pour déjeuner dehors, sous le Micocoulier et qu’elle m’a dit d’une voix douce que ma place était là, près d’elle, entre elle et son mari, Pierre je crois.


Ou encore quand mon bras a effleuré le sien ou quand j’ai vu cette petite écornure sur sa canine droite ? J’ai été ému ou enchanté, je ne sais plus. Ce sont les petits défauts qui exhaussent la beauté.


Anna n’a plus existé.

J’ai su d’un coup que j’avais trouvé la femme de ma vie : celle que depuis longtemps j’attendais partout. En pleine nature quand je courais dans les forêts ou sur les plages. Dans les magasins, les musées, les cafés, les livres que je n’ai pas écrits. Sur tous les continents où j’ai voyagé, à toute heure du jour et de la nuit. Il m’avait toujours semblé que j’irais droit vers elle et qu’elle viendrait à moi, les bras ouverts et me sauterait au cou pour m’embrasser.
Clair, bien sûr, tout le devenait, et même si le jeu de mots était facile, je sentais à mes mains qui tremblaient, à ces gouttes de sueur qui envahissaient mon front et que je n’arrivais plus à éponger, que j’étais en train de tomber amoureux et loin d’être un accroissement de moi-même comme l’affirme Spinoza, l’amour me réduisait à un être tremblotant, balbutiant et pâle.


Suzanne avait préparé un excellent déjeuner. Il fut joyeux. Anna me prenait la main à intervalles réguliers et j’avais l’impression qu’elle venait par là s’inquiéter de cet état qu’elle ne pouvait que voir et dans lequel lentement je glissais.
L’écrivain raté, l’homme d’un seul livre était en train de se liquéfier littéralement.
Je finis par prétexter une grande fatigue pour aller m’allonger et me retrouver seul. D’en bas montaient des rires et j’entendais le bruit des assiettes qu’on débarrasse. Un vague sentiment d’impolitesse même si Suzanne m’avait rassuré quant à ce besoin subit de m’éloigner de cette famille que je découvrais et dont je venais de rompre l’équilibre, tout seul, dans mes divagations de littéraire, songeant au vieux Stendhal que je détestais et à sa Cristallisation et me disant que peut être il avait raison. Peut être.
Peu à peu je sentais le sommeil me gagner, peuplé de rêves où Claire s’approchait de moi. Je sentais son souffle dans mes narines. La femme de ma vie avait un chignon dont s’échappaient quelques mèches rebelles, était mariée et mère de deux enfants et de plus la soeur d’Anna dont je venais de tomber amoureux le mois précédent.
J’étais dans une merde noire. L’amour m’a toujours posé un énorme problème, je suis un sentimental exacerbé.
Lorsque je m’éveillais, Anna était allongée contre moi. Je la regardais avec surprise persuadé qu’il y avait méprise. Elle avait ce regard des femmes qui savent ou du moins qui pressentent. –  » Olivier, tu m’aimes toujours ?- – » Eternellement mon amour, je t’aime éternellement ».

(A suivre)

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