Quand on rencontre un univers (2)
Un jour en 2007, John Maloof, un jeune agent immobilier de Chicago achète aux enchères un lot de négatifs. Il les développe et, fasciné par les photos qu’il découvre décide de se mettre sur la trace de son auteur.
C’est l’histoire que je vais vous raconter aujourd’hui.
Vivian Maier : Une vie en photos
Celle de Vivian Maier, fille d’un père alcoolique et violent et d’une mère qui la délaisse. Vivian est née à New-York en 1926. De six à douze ans elle vit avec sa mère dans les Hautes Alpes avant de retourner à New York en 1938 . Elle grandit seule.
Adulte, elle trouve un travail dans une usine de poupées et s’offre un Rolleiflex avec l’argent d’un héritage .
C’est là que l’histoire de la photographe commence.
En 1951 elle devient Nanny. Tout près des enfants qu’elle promène dans les rues et les parcs, elle photographie leurs jeux. Entre mouvements et immobilités, rires et larmes, interrogations muettes et qui se donnent à entendre.
Sans cesse, dans ses déambulations, elle photographie les gens
On lui connait peu d’amis, pas de famille.
Comment peut-on vivre aussi seule et avoir autant le goût des autres?
Elle déménage pour Chicago en 1956 et fréquente toutes sortes de quartiers, appareil photo à la main,
Protégée en quelque sorte par son Rolleiflex puis par un Leica quand elle passe à la photo couleur, elle sait saisir aussi bien la richesse des uns que la vie des plus démunis.
A l’affût d’un geste, d’un détail insolite, d’une forme de tendresse, elle sait aller au plus près des gens et immortaliser l’instant.
Maîtresse dans l’art du cadrage, elle joue avec des compositions, des miroirs et avec sa propre image. Quotidiennement pendant 50 ans elle fera des photos sans jamais les montrer à qui que ce soit. Beaucoup d’auto-portraits.
Sa vie, elle la finit près d’enfants qu’elle a élevés à Chicago, qui devenus à leur tour adultes s’occupent d’elle les dernières années. Elle meurt en 2003.
Elle nous laisse 143 000 photos dont seule une petite partie a été montrée.
Je pense à la vie de cette femme, à sa passion obsessionnelle pour la photo comme une sorte de conversation qu’elle aurait entretenue avec les autres dans leur silence, l’ignorance de leur histoire, à cet écran entre les autres et elle. Ces vies qu’elle vole au hasard de son chemin et qui remplissent la sienne.
Moments furtifs, regards tournés vers l’objectif ou plus absents, tous ces gens lui ont donné quelque chose d’eux, malgré eux parfois. Il y a tant de façons différentes d’aller vers les autres; ambivalence de l’exposition et de la protection.
11 commentaires
sophie cour
Beau texte en effet pour évoquer un travail d’une vie au plus près des autres, dans cette distance de la photographie. Belle idée que de mettre en lumière certains artistes dans votre blog revu !
catherinesentimots
Très belles photos et quel texte émouvant pour redonner à cette femme son essence…. merci
Dominique
En effet, c’est beaucoup d’émotions que d’entrer dans le monde de Vivian Maier. Merci Catherine ! Sa vie reste encore si secrète. Etonnant de passer tant de temps à photographier les uns et les autres et soi-même et ne pas s’autoriser à montrer son travail. Il en va aussi de l’époque je pense et de sa condition sociale.
Vagile
Merci encore Dominique pour m’avoir fait découvrir cette artiste, encore une belle histoire d’une femme seule mais toujours entourée malgré tout des autres à travers son objectif..que de très belles et émouvantes photos !!
Dominique
Merci à vous de me lire. Jetez un oeil sur internet pour voir d’autres photos. Par ailleurs beaucoup de livres ont été publiés sur son travail et elle est exposée aujourd’hui dans de grands musées aux U.S.A
Cathy Graveleine
Bonsoir, je vais adorer venir ici. Merci à vous
Dominique
Merci Cathy, nous aurons de petits rendez-vous ainsi ! 🙂
Claude
Très beau texte Chère Dominique … qui comme la photographie peut se reproduire à l’infini mais qui figeant l’instant ne se produit qu’une seule et unique fois .. une façon d’arrêter le sable qui comme le temps nous échappe et file entre nos doigts … belle soirée …
Claude
Dominique
C’est tout l’intérêt de l’argentique que de perdurer. Ces photos qui vieillissent, jaunissent, sont autant de traces de ce qui a été saisi. J’aime beaucoup l’idée de la trace que nous laissons, surtout lorsque comme pour cette photographe, cette presque inconnue, cette trace est l’unique preuve de ce qu’elle a été, si loin de sa personne. Merci Claude
c;z Collin
oui étrange..ma petite dernière est autiste Asperger .;c’est un peu ça..
Dominique
J’ai une élève qui présente ces symptômes. Je ne sais pas si c’était le cas de Vivian Maier, peut être simplement une immense timidité .